Lorsqu’on pense à Agatha Christie, on pense immédiatement à Hercule Poirot et Miss Marple, des personnages forts sympathiques, amusants et intelligents qui mènent l’enquête, souvent dans des paysages bucoliques de la campagne anglaise en passant par de magnifiques manoirs victoriens. L’auteure nous transporte dans un univers douillet où les crimes sont résolus avec élégance.
Ce genre, surnommé le « cozy crime » ou « cozy mystery », met en scène des détectives amateurs ou non, toujours sympathiques, qui résolvent des enquêtes au sein d’une petite communauté : un village, une famille, à bord d’un train … Ici, pas de gore et de violence, l’accent est mis sur la résolution d’énigmes et les relations entre les différents personnages, le tout dans un cadre toujours charmant et confortable (d’où le terme « cozy » qui signifie douillet en anglais).
Seulement, malgré les apparences, ces histoires restent des histoires de meurtres où sont retrouvés des cadavres plus ou moins sanguinolent et à un stade plus ou moins avancé de décomposition. Afin d’écrire des histoires policières qui tiennent la route, et même brillantes comme c’est le cas de Christie, il faut posséder un certain bagage de connaissances scientifiques et médico-légales et se tenir au courant des avancées techniques en la matière.
C’est justement cet aspect de la vie d’Agatha Christie que souhaite nous faire découvrir Carla Valentine – médecin légiste le jour, auteure la nuit – avec Murder Isn’t Easy (malheureusement pas traduit en français pour le moment).
Detection club
Saviez-vous qu’Agatha Christie était membre et présidente du Detection club ? Il s’agit d’une association d’auteur.e.s britanniques de romans policiers qui se réunissent régulièrement afin de parler d’écriture, mais aussi de crimes et des avancées médico-légales. Ce club a été créé en 1930 et existe encore aujourd’hui !
C’est ici, en compagnie d’autres écrivains que notre chère Christie échangeait sur les prélèvements d’empreintes digitales, les analyses balistiques et toxicologiques… tout ce qui avait attrait à la science judiciaire. Le Detection Club pouvait aussi s’apparenter, à l’époque, à un fan club de true crime. Les membres discutaient les dernières affaires qui défrayaient la chronique, les jugements, les exécutions… Agatha Christie s’est d’ailleurs beaucoup inspirée de crimes commis à son époque, allant jusqu’à nommer certains de ses personnages du nom de vraies victimes ou criminels (comme par exemple Ruby Keene dans Un Cadavre dans la Bibliothèque), et en faisant références à de vraies enquêtes dans ses romans.
Je ne peux m’empêcher d’imaginer Christie à notre époque, fan de true crime, binge-watcher des séries policières pour trouver l’inspiration et rassasier sa curiosité.
Carla Valentine met bien l’accent sur le fait que l’auteure cherchait à être la plus correcte et réaliste possible dans ses descriptions d’enquêtes. Une vraie réussite puisqu’elle a été félicitée plusieurs fois par des scientifiques pour la justesse de ses histoires.
Bien que le Detection Club semble avoir été sa principale source de connaissances, la reine du crime n’est pas arrivée les mains vides au sein de l’association. En effet, son expérience d’infirmière s’est avérée plus qu’utile pour toute son oeuvre.
L’infirmière
Rappelons qu’Agatha Christie (1890 – 1976) a vécu une époque pleine de bouleversements : la fin de l’époque Victorienne, la Première puis la Seconde Guerre mondiale.
C’est durant le premier conflit international que la, alors, jeune femme s’engage comme infirmière bénévole, puis comme assistante-chimiste dans une pharmacie (elle s’engagera à nouveau en 39-45). Là, elle entre en contact avec de nombreux poisons et drogues qu’elle apprend à préparer pour ses patients. C’est cette expérience qui lui permettra de les incorporer avec justesse dans ses romans. Elle connait les dosages mortels , leurs effets sur le corps, leur goût, leur couleur etc.
Mais ça ne s’arrête pas là. Durant cette période Christie s’est aussi confrontée à l’anatomie en aidant des médecins au bloc opératoire. Elle a vu le sang, des amputations, elle s’est familiarisée avec l’emplacement des différents organes dans le corps et leurs fonctions.
Le terreau de connaissances idéal pour construire son oeuvre future !
L’évolution d’agatha christie
Carla Valentine décrit aussi l’évolution des connaissances en matière médico-légale de l’auteure. Par exemple, dans ses premiers romans elle n’était pas très calée en balistique et identifiait un revolver et un pistolet comme une même et seule arme, alors qu’il s’agit de deux objets bien distincts. Avec l’expérience, les connaissances accumulées lors de lectures et de ses réunions au Detection Club, Christie arrive à se corriger et ses dernières oeuvres prouvent à quel point elle s’est familiarisé avec tout le jargon juridique et policier.
Les personnages phares de l’auteure évoluent eux aussi. On peut citer Hercule Poirot que l’on connait pour l’utilisation à outrance de ses « petites cellules grises ». Dans ses premières aventures (à l’instar de Sherlock Holmes de Conan Doyle dont raffolait Christie), il portait une attention toute particulière aux indices retrouvés sur les scènes de crime : des cendres, du tabac, des tâches de sang…
Petit à petit, le detective Belge s’éloigne du côté matériel des enquêtes pour se concentrer sur la psychologie des personnages, allant même jusqu’à ce moquer de son compagnon, le capitaine Hastings, pour qui la recherche d’indices reste une étape cruciale de la résolution d’enquêtes.
Murder isn’t easy
Mais l’essai de Carla Valentine est bien plus qu’une étude de l’œuvre de la reine du crime. C’est aussi une vulgarisation des différents métiers policiers : analystes, médecins légistes, experts balistique etc.
Le livre se découpe en plusieurs chapitres, chacun appartenant à une catégorie médico-légale. Elle nous en donne à chaque fois l’histoire, des exemples qu’elle a vécu elle-même ou qu’elle tire de situations réelles et bien sûr applique le tout aux romans d’Agatha Christie.
C’est une lecture assez technique mais diablement intéressante. On sent à quel point ces différents sujets la passionne.
C’est une lecture que je recommande à tout.es celles et ceux qui souhaitent en savoir plus sur le processus d’écriture d’Agatha Christie et qui sont intéressé.e.s par tout l’aspect médico-légal des enquêtes policières. Par contre, comme mentionné plus tôt, Murder Isn’t Easy n’a pas été traduit en français pour le moment. Donc il vous faudra être patient.e.s si vous ne lisez pas la langue de Shakespeare.
Laisser un commentaire