Dans mon entourage peu de personnes comprennent ma passion pour la littérature classique, et en particulier pour Zola. Pourtant, il s’agit sans l’ombre d’un doute d’un de mes auteurs préférés.
Comme beaucoup d’entre vous j’imagine, j’ai découvert Zola au lycée. Ma prof de lettres, dérogeant à toutes règles, nous a fait lire La Faute de l’Abbé Mouret plutôt qu’un de ses romans les plus connus. Et aujourd’hui encore il est dans mon top trois des lectures de l’auteur.
Il y a deux ans maintenant j’ai décidé de me lancer dans la lecture intégrale des Rougon-Macquart, sa saga phare (dans leur ordre de parution), et plus je lis cet auteur plus je suis admirative de son travail. Son style, ses descriptions, son travail de recherche. On peut ne pas aimer le bougre, mais il faut avouer que son boulot de recherche est incroyable de précision.
Le Rêve ne déroge pas à la règle. Il s’agit du roman le plus court de la saga, avec un peu plus de 200 pages seulement, mais il n’en est pas moins puissant pour autant.
Dans cet épisode, Zola nous emporte en province, où Angélique, une jeune orpheline, est sauvée par les Hubert, un couple de brodeur, sans enfant, qui voient ici l’opportunité d’une vie : adopter et transmettre leur savoir à une apprentie. Zola en profite pour nous décrire le métier de brodeur avec une flopée de termes techniques (heureusement les notes de bas de page sont là pour tout nous expliquer).
Une nouvelle vie s’offre à Angélique, une vie humble et pieuse. En effet, la jeune fille ne sort pratiquement jamais de chez elle, et son plus grand plaisir est de rêvasser. Son imaginaire est peuplé de lectures religieuses, dont un texte en particulier : La Légende Dorée, qui retrace la vie de Saints auxquels Angélique s’identifie. Ici, l’auteur nous cite de nombreux passages en vieux français, des moments de lectures parfois pénibles et fastidieux, je l’avoue.
Angélique va se créer une vie rêvée, où un prince l’emporte pour la couvrir de richesses. C’est la première partie du roman, une centaine de pages à peu près où il ne se passe rien, où l’auteur nous transporte dans les rêvasseries de son héroïne. Pour autant, on ne s’ennuie pas. A l’instar d’A Rebours de Hyusmans, le rien est un prétexte pour nous raconter plusieurs histoires : les états d’âme du personnage, l’histoire de France et bien sûr nous noyer sous des tonnes de descriptions (pour notre plus grand plaisir).
Tout semble beau et tranquille dans la vie de la jeune Angélique, mais pour celles et ceux qui connaissent Zola, vous savez qu’un tel bonheur ne peut durer bien longtemps sous la plume de l’auteur. Et un drame vient perturber cette vie contemplative.
Maintenant, parlons un peu de Zola. Pour rappel, il est le chef de fil du naturalisme, un courant artistique du XIXème siècle qui cherchait à se rapprocher le plus possible du réel. Que ce soit en littérature ou en peinture, il fallait montrer la réalité telle qu’elle est, belle mais aussi terrible, vulgaire et horrible. Surtout ne pas se censurer, ne pas avoir peur de heurter la sensibilité de son public, ne pas avoir peur des critiques ni de la bienséance.
C’est là qu’entre en jeu le talent descriptif de l’auteur. Zola prenait des notes sur le terrain : dans les cafés de Paris, à la campagne, dans les mines (pour Germinal). Il faisait de nombreuses recherches pour être capable de décrire différents métiers qui lui étaient étrangers ou inconnus. Bien sûr, les écrits de Zola ne sont pas exempts de subjectivité qui se transforment sous sa plume en une critique de la société, notamment celle de la bourgeoisie et des aristocrates et une prise de partie pour le peuple de France.
Zola sait rendre ses personnages plus vrais que nature. Qu’ils soient hommes ou femmes, jeunes ou vieux, nobles ou paysans, l’auteur réussi à les mettre en scène avec une telle humanité qu’on se croirait face à un film documentaire.
Maintenant, la question est de savoir ce qu’il fait avec ses personnages. Comme dit précédemment, l’auteur n’est pas tendre avec eux et aime les mettre dans des situations dures voir horribles. C’est le cas d’Angélique qui fait face à une situation si terrible pour elle, qu’elle en tombe gravement malade. Le sadisme de Zola ne s’arrête pas là, puisqu’il n’hésite pas à tuer un grand nombre de ses personnages. C’est un auteur impitoyable.
Et c’est là que vient se glisser le hic pour moi. Depuis plusieurs épisodes des Rougon-Macquart déjà (depuis L’œuvre pour être plus exacte), je trouve que la dose de mélodramatique est si importante qu’elle en devient ridicule. A trop vouloir rendre la vie affreuse, lui retirer le verni doux de la bienséance, Zola tombe dans l’excès je trouve, dans quelque chose qui ressemble plus à du romantisme qu’à du naturalisme.
Et bien que cela m’ait énormément plu étant adolescente et encore aujourd’hui pour certaines œuvres, comme par exemple L’Assommoir, j’avoue que Le Rêve va trop loin à mon goût.
C’est une critique de l’œuvre de Zola que je n’aurais jamais cru faire un jour. Et c’est une critique qui me fait reconsidérer son œuvre. Le tragique de l’auteur m’a toujours plu, mais alors que j’arrive à la fin de sa saga, je ne peux m’empêcher de changer d’avis. Et je ne peux m’empêcher de ressentir de la tristesse face à ce changement. Ce n’est jamais agréable de s’éloigner d’un artiste que l’on a apprécié de nombreuses années.
De cette réflexion personnelle me vient la question suivante : est-ce mon point de vue d’humaine trentenaire du XXIème siècle qui trouve ce style trop pompeux ? Est-ce que ses digressions sentimentales étaient mieux accueillies à son époque ? L’auteur a connu un succès important de son vivant, on peut donc estimer que son oeuvre plaisait au plus grand nombre non seulement pour sa capacité à décrire le réel mais aussi pour tous ses passages sirupeux à l’excès.
Alors oui j’ai apprécié Le Rêve, pas pour l’histoire ou pas seulement, mais pour le travail qu’il a demandé à Zola. Le temps de recherche, ici littéraire puisqu’il a dû lire de nombreux ouvrages techniques et historiques, toutes ces descriptions qui nous projettent dans une suite de tableaux plutôt qu’un roman. En fait, avec Le Rêve j’ai plus apprécié Zola pour son talent technique que celui de narrateur.
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