L’Insigne Rouge du Pouvoir est ma première rencontre littéraire avec la guerre de Sécession. Une période que j’ai vu à l’écran dans des films et des documentaires, mais que je connais peu. J’étais donc ravie de découvrir ce roman qui, je le pensais avant ma lecture, allait étancher ma soif de connaissances, m’emporter en plein conflit politique américain, un conflit d’importance dans l’histoire du pays.
En fait, je me suis plongée dans L’Insigne Rouge du Courage en imaginant une histoire à la The Patriot, des personnages iconiques, une description détaillée de l’époque, des batailles et du climat politique. Seulement, ce roman n’a rien à voir avec un film hollywoodien, c’est au contraire une lecture contemplative qui ne met pas l’action au premier plan.
Le roman relate l’histoire d’un certain Henry Fleming qui part se battre durant cette fameuse guerre de Sécession. Heureux de partir au combat, ce n’est pas le conflit qui l’intéresse mais simplement l’envie de quitter la vie paysanne, et de revenir en héros pour être adulé et faire tourner la tête à toutes les jeunes filles de son village.
Une fois sur le front, c’est une autre histoire. C’est la peur de mourir qui le tenaille, l’envie de fuir, de déserter. C’est aussi l’effroi face aux cadavres d’autres soldats, ces hommes qui se sont battus avec acharnement ou ont simplement tenté de fuir, les yeux grands ouverts à contempler un monde auquel ils ne participeront plus jamais.
L’Insigne Rouge du Courage nous met dans la peau d’un jeune soldat qui ne comprend pas pour quoi il se bat, ni les enjeux du combat auquel il prend part.
Le roman, avec son manque de détails historiques et le peu d’intérêt qu’il porte à décrire le climat politique de l’époque, s’éloigne des récits de guerre classiques. Et s’il ne recherche pas la précision c’est pour ne pas s’enfermer dans un seul conflit mais, au contraire, se rendre universel. Et c’est ça, d’après moi, tout le génie de Stephen Crane.
Henry Fleming est en réalité un personnage anonyme. Son nom n’apparaît que rarement dans le roman et uniquement dans la bouche d’autres personnages. Le narrateur, lui, se contente de le nommer “le jeune soldat”. Il n’est pas un héros, ou le personnage principal du roman, il est un soldat parmi tant d’autres.
Il en va de même pour la guerre de Sécession. Une guerre qui n’est jamais nommée dans le roman. On ne sait pas pour quel camps se bat Fleming, ni où se situent les combats. C’est une guerre, elle aussi anonyme, une guerre comme tant d’autres qui envoient des hommes se faire tuer pour des principes sans importance pour les soldats qui ne pensent qu’à survivre et sauver leur peau.
C’est cela qui donne son côté universel au roman qui, sans nommer la guerre à laquelle prend par « le jeune soldat », nous donne l’opportunité de transposer l’histoire à n’importe quel conflit dans le monde, passé, présent ou futur.
Cela m’amène à faire un parallèle avec le roman de Victor Hugo Le Dernier Jour d’un Condamné, qui nous plonge aussi dans l’introspection en nous décrivant l’état d’esprit d’un condamné à mort dont on ne sait rien, pas même le crime qu’il a commis. Le but de l’auteur n’étant pas conter une histoire, mais de présenter une situation inhumaine.
L’ambition de L’Insigne Rouge du Courage n’est pas de décrire ou d’apprendre, mais de montrer, de dénoncer la Guerre, peu importe laquelle, en mettant en scène un soldat inconnu, qui n’a jamais combattu, lui faire ressentir la peur, l’angoisse qui étreint n’importe quelle personne dans sa position.
C’est un roman que j’ai trouvé très intéressant et qui m’a surprise. Je ne m’attendais pas, en le lisant, à me plonger dans une histoire aussi peu axée sur l’action (ce qu’on attend d’ordinaire d’un roman de guerre). Je me suis laissée porter par le style poétique de Crane dans un univers indéterminé avec un héros qui n’est autre que le reflet de tant de soldats envoyés au combat.
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