La Campagne Française
Dans La Terre on découvre la famille Fouan, une famille de paysans qui se déchire pour la terre et l’héritage du père. Vieil agriculteur, il est trop fatigué pour poursuivre le travail harassant dans les champs. Ne souhaitant pas voir sa terre dépérir, il décide de la partager en trois et la donner à ses enfants. Bien sûr, la plume dramatique Zola ne s’arrête pas là et nous montre à quel point l’Homme peut être envieux, jaloux et cupide.
Nous sommes dans un épisode des Rougon-Macquart, ne l’oublions pas, et la famille doit bien être représentée par l’un de ses membres. Dans La Terre, c’est Jean Macquart qui s’y colle. Frère de Gervaise, héroïne de l’Assommoir, il n’est pas un héros, ni même le personnage principal du roman, c’est un étranger venu de la ville, un témoin de la vie du village.
Car l’histoire du roman n’est qu’un prétexte pour décrire la vie paysanne française du XIXème siècle.
Zola chef de file du naturalisme – ce mouvement littéraire du XIXème qui cherchait à dépeindre la réalité de la manière la plus précise possible en s’appuyant notamment sur des travaux minutieux de documentation – réalise ici un travail descriptif impressionnant : les différentes techniques utilisées en agriculture, les différents grains et semences plantés, les différents métiers que l’on retrouve à la campagne, le rythme de vie des paysans, le tout décrit dans une terminologie technique et moult détails. L’auteur ne nous épargne pas et n’hésite pas à faire souffrir ses personnages avec des journées entières passées sous un soleil de plomb à ramasser les récoltes, ou dans le froid à entretenir sa terre. Une vie difficile, terne, qui ne fait pas de cadeaux. Rien que pour ça La Terre devrait être davantage reconnu.
Si vous connaissez Zola, vous vous doutez qu’il ne s’arrête pas là et décrit aussi le climat politique de l’époque et notamment une guerre qui semble se préparer contre la Prusse. On apprend que les appelés étaient tirés au sort, une vraie tragédie pour les campagnes qui perdaient alors des travailleurs et les retrouvaient changés par un conflit dont ils n’avaient rien à faire.
– Ah ! la guerre, murmure Fouan, elle en fait du mal ! C’est la mort de la culture… Oui, quand les garçons partent, les meilleurs bras s’en vont, on le voit bien à la besogne ; et, quand ils reviennent, dame ! ils sont changés, ils n’ont plus le coeur à la charrue… Vaudrait mieux le choléra que la guerre !
La Terre – Zola
On comprend rapidement que la campagne est un territoire à part entière. La majorité des paysans ne se préoccupe pas des affaires de l’état, ils ont déjà bien assez à faire chez eux, dans cette campagne, une terre étrangère pour les politiques qui ne s’y intéressent que par obligation. Mais il existe tout de même une minorité d’agriculteurs qui se soucient de l’avenir et des nouvelles technologies qui pourraient les aider dans leur travail. Zola nous décrit le rêve de l’un d’eux qui imagine une campagne entièrement automatisée où le paysan laisserait les machines s’occuper de la terre, et retournerait dans les champs uniquement pour les réparer. Un paysan qui pourrait alors profiter de l’existence et de ses plaisirs. Une utopie rurale basée sur des idées communistes.
La Terre est un roman qui foisonne de détails, un roman dur et cruel qui est très loin de l’idée bucolique et innocente que l’on pourrait se faire de la campagne.
Mon avis
Bien que je fasse l’éloge du travail fourni par Zola sur La Terre, je dois avouer que certains passages (assez nombreux pour être cités) ont été particulièrement pénibles à lire. Je ne parle pas là des nombreuses descriptions à rallonge que j’ai trouvé très intéressantes, mais des personnages, de leur comportement et du coup, de la vision que Zola nous transmet des paysans.
L’auteur nous les dépeint comme de véritables animaux assoiffés de sexe, vulgaires et violents. Parce que La Terre, c’est aussi des scènes d’inceste, de viol (notamment de mineurs) et de violence qui atteignent un tel paroxysme que la lecture en devient épouvantable.
Le village devient un tel lieu de débauche et d’excès que même l’abbé finit par partir. Un moment symbolique dans le roman qui octroie aux villageois un statut inhumain, d’êtres qui ne méritent pas même de recevoir la grâce divine (à noter qu’au XIXème la religion, bien que commençant à s’essouffler, avait une importance encore considérable).
[L’abbé] avait déclaré à monseigneur qu’il aimait mieux se faire casser que de rapporter le bon Dieu dans un pays d’abomination, où on le recevait si mal, tous paillard et ivrognes, tous damnés depuis qu’ils ne croyaient plus au diable.
La Terre – Zola
Dans un premier temps, je me suis emportée face à ce roman, sa vulgarité, son traitement de la sexualité et sa violence. En fait, sur le moment, Zola m’a tout simplement déçue. Je n’ai pas compris son besoin d’amocher à ce point la réalité, de briser encore davantage l’humanité des paysans alors que leur quotidien s’en charge déjà largement pour eux.
Ayant pris un peu de recul et après avoir lu la préface, j’ai compris que mon malaise, ma colère étaient voulus par Zola. C’est son but avec La Terre. Il veut bazarder la bienséance, montrer la vie telle qu’elle est, crue, sale et obscène. Et c’est le cas dans tous ses romans, avec des personnages ignobles, du drame en veux-tu en voilà. Seulement ici, il est allé trop loin à mon goût.
La Terre semble vouloir montrer une facette tellement pourrie de l’existence que Zola accumule l’abject jusqu’à s’enfoncer dans l’extrême et le grotesque.
Du coup vient se poser la question suivante : est-ce que Zola ne dessert pas l’intention première du naturalisme ? A savoir montrer la réalité telle qu’elle est ? Puisque cette surenchère finit par devenir ridicule plus qu’elle n’est abominable. N’est-ce pas trafiquer le réel que d’ajouter autant de dramatique à son histoire ? Son envie de choquer n’a-t-elle pas pris le pas sur l’essence même du naturalisme ?
Il est aussi intéressant de se questionner sur la réception de ce roman lors de sa première publication ? A-t-il choqué ou a-t-il été applaudi ?
Vous avez quatre heures.
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